Secteur AB-41 / Planète MEN-424 / Station d’extraction minière abandonnée
17 février 2521 / 09h00
– 10 à 3, annonça COACH.
C’est bien, tu progresses de jour en jour ! dit-il sur un ton bienveillant.
À ce rythme-là, tu pourras me disputer la victoire d’ici 4 à 6 semaines.
DIAMOND, peu convaincu, ramassa en maugréant la petite balle de cellulose qui avait volé bien au-delà de la table.
– Pfff, je dois tout réapprendre ! J’arrive pas à m’y faire à cette différence d’apesanteur !
Ça rend la balle trop légère pour moi, je peux pas contrer tes effets !
J’ai l’impression de jouer contre un SOGMIEN …
La comparaison fit rire COACH aux éclats.
Alors qu’il s’apprêtait à relancer son service, il distingua dans le couloir le « Bip » caractéristique d’un émetteur qui se rapprochait d’eux.
C’est, non sans surprise, qu’ils virent apparaître dans l’encadrement de la porte JU, l’Ingénieur en Réparation, le regard rivé sur l’écran de son oxygénomètre.
Alors que ce dernier allait s’adresser à nos deux compères, l’air réprobateur à la vue de la table de ping-pong, COACH prit les devants :
– Un problème avec l’atmosphère du biodôme ? questionna-t-il de façon pertinente en regardant l’appareil.
– Oui.
Pendant que je finis de faire mes relevés, commencez donc à inspecter « MOXIE », je pense que c’est de là que vient la défaillance.
Les deux ingénieurs lâchèrent leur raquette, et se dirigèrent sans discuter vers le précieux générateur d’oxygène.
Quand JU les retrouva une heure plus tard en sueur au milieu des tôles de protection démontées, il sut qu’il avait vu juste.
Il esquissa un sourire de satisfaction en les observant discrètement, alors qu’ils s’apprêtaient à relancer « MOXIE ».
Ses gars étaient devenus efficaces. Faut dire aussi qu’ils avaient eu un bon professeur.
– Relance la machine, j’ai fini l’étanchéité du déshumidificateur.
– Ok, je relance dans 3, 2, 1, c’est parti !
DIAMOND tourna le commutateur.
La machine émit des sifflements d’air, associés à un bruit de bulles en formation.
COACH, les yeux rivés sur l’écran de contrôle, retenait son souffle en observant l’évolution du taux d’oxygène.
Lorsque les graphiques indiquèrent le bon pourcentage, au centième près, les deux ingénieurs du C9 se regardèrent en poussant un soupir de soulagement.
C’est donc le cœur léger qu’ils se lancèrent dans le remontage complet de la machine.
Il faut dire que sans elle, leur survie serait un calvaire.
Ils seraient obligés de porter en permanence leur combinaison à recycleur d’air intégré, à l’intérieur de leur « avant-poste ».
Après des heures de recherches, ils avaient enfin réussi à diagnostiquer l’origine du trop fort taux d’oxygène, produit artificiellement par le recycleur d’air de secours du C9.
Tout avait commencé le matin même, au petit-déjeuner.
Dans la pièce qui faisait office de réfectoire, WABAKY, le co-pilote du Calico EVAC, s’était distingué en interrogeant les personnes présentes, sur la présence de trois « Djinns » dans sa chambre, qui l’auraient empêché de dormir…
Ces créatures fantastiques, issues du bestiaire oriental de la Terre originelle, lui auraient chanté des berceuses toute la nuit…
AUGURE, dont le visage se renfrognait au fil du récit, jeta un regard réprobateur à la Capitaine NETSO, qu’elle interpréta, à bon escient, comme un :
– Ça s’dit Capitaine, et ça sait pas tenir son équipage …
Tandis que NONO commençait à plaisanter sur les caractéristiques « euphorisantes » de certains champignons issus des végétations terraformées, NETSO, rouge de colère, se leva.
Elle se planta devant son co-pilote, et braqua sa mini-lampe dans les yeux surpris d’un WABAKY, mi-méfiant, mi-perplexe.
Le Capitaine LE CALALOU et le pilote VRIZARD, face à face en bout de table, observaient la scène avec intérêt.
La Capitaine NETSO avait une personnalité singulière, un profil atypique.
La dualité de son caractère se ressentait dans chacun de ses actes et de ses prises de décisions.
D’apparence douce et délicate, elle captait d’emblée l’attention de tous.
Mais gare à ceux qui arrêtaient là, leur analyse superficielle.
NETSO était tel un volcan endormi, avec la particularité de pouvoir se réveiller et exploser la seconde d’après.
Dotée de qualités humaines reconnues par tous, elle savait-être une meneuse d’homme, et assumer les conséquences de ses choix.
Ce qui l’avait desservi jusqu’alors, et encore une fois aujourd’hui, était la difficulté qu’elle éprouvait à cacher ses émotions.
Le « paternalisme » qu’elle subissait régulièrement, de ses pairs ou de ses supérieurs, la mettait hors d’elle.
Malgré ses efforts pour garder une apparence calme, son corps la trahissait inévitablement.
Alors que WABAKY jurait n’avoir absorbé aucune substance illicite, l’esprit de NETSO fonctionnait à la vitesse de la lumière.
Elle se forçait à ignorer les sarcasmes provoqués par la scène, tout en sachant qu’il ne lui restait qu’une poignée de secondes pour convaincre.
Bien avant de devenir Capitaine d’un Calico EVAC, elle était infirmière.
NETSO avait très tôt obtenu son diplôme, et avait longtemps exercé sur la Starbase
New Providence, réputée au sein de toutes les factions pour être un lieu de débauche glorifiant les 7 pêchers capitaux…
Affectée au service des « urgences », elle pouvait se prévaloir d’une connaissance approfondie des tréfonds de l’âme de toutes formes de vie galactiques, du moins toutes celles suffisamment « intelligentes », pour être capable de s’auto-détruire…
Son expertise médicale lui indiquait pourtant que l’état de WABAKY était forcément dû à l’absorption d’une substance « euphorisante »…
De plus, la réputation qui lui collait à la peau, vestiges de ses frasques passées, ne jouait pas en sa faveur.
Mais son fantasque co-pilote n’était pas un menteur, et ça, elle en était persuadée !
Les quelques secondes où elle avait ausculté les yeux de WABAKY, lui avait paru des heures.
Elle se retourna sereinement, son regard balaya l’assistance.
Le visage assuré, quelques rougeurs sur ses joues trahissaient tout de même l’émotion ressentie.
– J’ai déjà vu de tels symptômes sur des personnes qui avaient involontairement inhalé un air vicié, affirma-t-elle, sur un ton péremptoire.
La perplexité se lisait sur le visage des survivants, excepté AUGURE, qui arborait un rictus condescendant.
NETSO chercha du soutien dans le regard des personnes présentes, dont elle était le plus proche.
– Je passerai le détecteur d’oxygène dans les zones où WABAKY a évolué ces dernières 24 heures.
– Merci JU ! lâcha-t-elle, en réprimant un soupir de soulagement.
Par son intervention, l’Ingénieur en Réparation (traditionnellement appelé « Bosco ») avait implicitement donné du crédit à l’hypothèse de la Capitaine.
Et la voix du « Bosco » comptait.
Maître d’équipage, situé hiérarchiquement entre les officiers et les membres d’équipage, le « Bosco » était souvent considéré, dans la marine MUD, comme le second du Capitaine.
A bord du C9, il n’était un secret pour personne que LE CALALOU accordait un crédit tout particulier aux avis de JU.
Il le consultait régulièrement pour les décisions d’importance.
D’ailleurs, leurs petites réunions privées faisaient toujours jaser parmi l’équipage.
Même si son caractère ne faisait pas l’unanimité, le doyen de l’équipage jouissait d’une réputation et de compétences que personne ne prenait le risque de remettre en cause.