Lore Chapitre 3

Chapitre 3 : Grey’s Anatomy

Secteur AB-41 / Planète MEN-424 / Station d’extraction minière abandonnée
18 février 2521 / 07h40

***

– On serait quand même à l’étroit là d’dans, prononça TOVA dubitatif …

– Après, y’en a pas pour des années lumières de trajet, on peut s’entasser dans la
Medical Bay si on pousse les meubles, répondit PETITNUAGE enthousiaste.

– Oula ! Pousser les meubles, tu veux mettre la Capitaine NETSO en pétard toi !
s’esclaffa TOVA.

Depuis leur passerelle, les deux compères contemplaient le Calico EVAC stationné
en contre-bas, avec un regard empli de respect et d’admiration.

Jusqu’ici, ils n’avaient jamais considéré un EVAC comme un vaisseau digne de ce nom.
Il y avait deux catégories de pilote : les pilotes de chasse, et les autres …
En tant que co-pilotes de C9, ils considéraient les équipages des vaisseaux de soutien avec une certaine condescendance.

Même s’ils n’avaient qu’un statut de co-pilote dans l’équipage, seul leur jeune âge les différenciait des deux pilotes en titre, AUGURE et VRIZARD.

Mais la prise de conscience que ce simple Calico EVAC puisse être la clef de leur survie,
les avait rendu enclin à moins de prétention.

PETITNUAGE se laissa même aller jusqu’à trouver une certaine grâce à ce vaisseau,
plutôt pataud d’apparence.

L’angle de vue plongeant, offert par leur position dominante, donnait une touche artistique au spectacle de l’EVAC, admirablement posé au milieu du seul hangar rescapé des bombes ECOS, qui avaient détruit la station d’extraction minière.

Le bruit d’un mécanisme hydraulique se fit entendre en contrebas.
Ils virent l’une des trappes d’accès au vaisseau s’abaisser, et distinguèrent à l’intérieur
les éclats de voix d’une discussion animée.

Jorj et Korbhen, le duo d’infirmiers du Calico EVAC, en descendirent l’air contrarié,
et s’arrêtèrent au bas de la passerelle.
Visiblement concentrés par le différend qui les opposait, ils ne remarquèrent pas
les co-pilotes qui les surplombaient.

– Mais qu’est-ce que tu trafiques avec ces médicaments ? demanda Korbhen en désignant
le sac que tenait Jorj dans ses mains.

– Ça te regarde pas j’t’ai dit , répondit-il, visiblement agacé par l’insistance
de son jeune binôme.

– Eh bien le problème, c’est que ça me regarde justement ! La Capitaine m’a chargé de faire l’inventaire de ces produits pas plus tard que lundi !

– T’inquiète, ton inventaire sera bon, tu n’auras qu’à déduire ce que j’ai récupéré,
renchéri Jorj, l’air goguenard.

– Je lui ai déjà donné mon compte-rendu d’inventaire hier soir …

– Eh bien, si elle s’en rend compte, tu n’auras qu’à lui dire que tu t’es trompé …
Elle ne sera pas surprise, les chiffres, c’est pas ton fort, rajouta-t-il, moqueur.

Les deux comparses, du haut de leur perchoir, se regardèrent, sourcils froncés,
sans prononcer un mot. Voilà de quoi animer les discussions du prochain repas …
La monotonie de leur quotidien était telle, que le moindre évènement provoquait
un intérêt démesuré.
Ils étaient si concentrés à espionner leurs camarades d’infortune, qu’ils ne virent pas
les silhouettes du pilote et du co-pilote de l’EVAC, se glisser discrètement derrière
le train d’atterrissage, à portée de conversation.

– Non là je peux plus te couvrir, tu m’impliques trop dans tes combines, j’ai pas envie
d’me faire virer moi !
Hors de question de retourner risquer ma vie en zone 51 !
J’ai payé chèrement ma tranquilité, tu vas pas tout gâcher !

Jorj sortit de ses gonds.
– Arrête tes conneries ! Tu lui dois rien à NETSO !
C’est à cause d’elle si on est coincé comme des tigus sur cette planète !
Tu as vu notre niveau de fuel ?
S’ils continuent à pomper dans nos réservoirs pour alimenter leurs infrastructures,
dans 3 jours, on aura plus assez de jus pour sortir de l’atmosphère !
Elle a pas les épaules pour le job, c’est tout !
Si Cashel était encore de ce monde, il n’aurait jamais accepté ça !

– Non mais tu délires ! Ton Capitaine Cashel nous a mené dix fois à la catastrophe,
et la dernière lui a été fatale ! Je te rappelle que sans elle, tu serais mort à l’heure qu’il est !

– Ca, t’en sais rien ! répondit sèchement Jorj.
Tu sais pas tout à son sujet !
Déjà à l’époque, à l’école d’infirmière, elle perdait ses moyens quand il fallait gérer
les priorités !
Aujourd’hui, elle est Capitaine de vaisseau, et rien n’a changé !

A l’issue de sa diatribe, Korbhen, perplexe, l’observa silencieusement quelques secondes …

– En fait, t’as un problème avec les femmes, c’est ça ?

Depuis leur position, les deux co-pilotes eurent l’impression de voir les yeux de Jorj
sortir de leurs orbites ! Le jeune infirmier avait fait mouche.

Rouge de colère, Jorj lâcha le sac de médicaments volés, et se jeta sur son camarade
en l’attrapant par le col.
Il le poussa en arrière et leva la main pour le frapper.

Distraits par la scène, PETITNUAGE et TOVA ne virent pas approcher les deux silhouettes restées cachées jusqu’alors, derrière le patin du Calico.

Une ombre furtive et massive s’était glissée rapidement derrière l’agresseur.
Au moment où ce dernier abattit son poing, WABAKY exécuta une clé de bras qui projeta Jorj violemment au sol.

Lorsqu’il reprit ses esprits, il sentit le béton gelé contre sa joue, et une forte pression
sur le dos qui le maintenait plaqué au sol.
Il ne comprit ce qu’il s’était passé que lorsqu’il reconnut les bottes caractéristiques de MTP,
à quelques centimètres de son visage.

– Rhaaaa, lâche-moi fumier, gémit l’infirmier, j’arrive plus à respirer …

– Là, t’as dépassé les bornes Jorj, obtint-il pour seule réponse.

WABAKY avait du mal à redescendre en pression.
Non pas que la confrontation l’eût ébranlé, mais il ne supportait ni l’insubordination,
ni l’injustice.
Il vouait un grand respect à sa Capitaine.
D’abord, parce qu’elle était Capitaine.
Puis, parce que c’était NETSO.
Et on ne touche pas à NETSO.

Cependant, un seul regard de MTP suffit pour qu’il accepte de relâcher
un peu la pression sur le dos du voleur.

– Allez, on t’emmène te ressourcer auprès du prisonnier qui est arrivé avant-hier,
ordonna MTP, tout en ramassant le sac.
Qui sait, tu trouveras peut-être chez lui une oreille attentive à tes récriminations …

Maintenant sa clé de bras, WABAKY releva l’infirmier, et le trio se dirigea
vers le quartier du personnel.

Korbhen, qui peinait visiblement à se remettre de ses émotions, les suivit machinalement, tel un automate.

Avant de quitter la zone, MTP jeta un rapide coup d’oeil vers la passerelle où se tenaient
les deux co-pilotes du C9, pour leur signifier qu’il les avait bien vus …

TOVA et PETITNUAGE se regardèrent, stupéfaits par la scène qui venait de se jouer
sous leurs yeux.

Un bruit de porte les fit sursauter.

– Briefing des pilotes en salle de réunion dans 10 mn, lâcha la voix rauque d’AUGURE dans leur dos.

Il poursuivit d’un air moqueur :

– Vous vous extasiez devant notre nourrice les jeunes ? en désignant l’EVAC du menton.

– Plutôt devant notre seule porte de sortie, répondit TOVA sans se démonter.

– Sa seule utilité est de nous fournir l’énergie nécessaire à la poursuite de notre mission, continua AUGURE rabat-joie.

PETITNUAGE, habitué aux sarcasmes de son binôme de quart, ne releva pas la remarque.

Mais TOVA, agacé, ne put s’empêcher une petite provocation :

– Tu peux me rappeler l’intérêt de faire quotidiennement des briefings de vol ?
Pour un vaisseau quasiment détruit dont l’équipage a été mortellement réduit de moitié ?

Pour seule réponse, il obtint un regard noir, doublé d’un :

– Briefing dans 8 mn !

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